Construire contre la crise

Publié le par gérard vignoble

Article, dans lequel je traite des problèmes de logement, paru dans « Libération » ce vendredi 16 février 2007.

Le projet de loi sur le droit au logement opposable est très préoccupant. Tout en ne s’adressant qu’à six catégories de personnes en difficulté, il concerne toutes les personnes éligibles au logement social.

On estime qu’un million d’entre elles sont en attente d’un logement social. Or aucune disposition n’a été prise dans ce projet pour qu’il y ait plus de logements disponibles. Je le regrette, car j’ai toujours été partisan de ce droit. Les 100 000 logements sociaux que nous arrivons à peine à construire chaque année ne suffiront pas. Le manque de logements disponibles est pourtant la raison majeure de la crise que nous connaissons. Dans le parc social, naturellement, mais aussi dans le parc privé puisque le manque d’offre entraîne la hausse des prix, à la location comme à la vente, ce qui met en difficulté les classes moyennes, même supérieures.

Cette situation est pour le moins paradoxale, car, dans le même temps, il existerait près de deux millions de logements vacants en France ! Que va-t-il donc se passer quand la loi entrera en vigueur alors que nous n’aurons pas sur le marché le nombre de logements nécessaires ?  

Si rien n’est fait, l’Etat devra débourser des sommes colossales pour indemniser les personnes mal logées, mais celles-ci n’auront toujours pas pour autant un toit. En outre, est-il vraiment prudent d’augmenter considérablement les dépenses publiques alors que l’Etat est aussi gravement endetté ? Si nous suivons Nicolas Sarkozy, il faut savoir que rien n’a été prévu dans son projet pour faire face à cette question. Si nous suivons Ségolène Royal, nous procéderons aux réquisitions de logements vacants. Envisager d’employer à large échelle une telle mesure et non pas dans des conditions très restrictives, par exemple, en cas de catastrophe naturelle, signifie ni plus ni moins la remise en cause du droit de propriété privée, ce droit fondamental conquis lors de la Révolution française ! Et tout cela pour une mesure impossible à mettre en œuvre compte tenu de l’organisation profonde de notre pays, mais qui aura une grave conséquence : ceux qui ont investi dans la pierre chercheront à investir ailleurs, en Bourse et à l’étranger.

Pour sortir au plus vite de la crise et permettre à chacun de trouver un logement, il n’y a essentiellement que deux axes :

- Conforter l’élan en faveur de la construction de logements neufs en réservant, comme le défend François Bayrou, dans tout programme immobilier 25% des logements au parc social. Au sein de ce dernier, il faut atteindre au moins les 130 000 par an, dont un quart pour le logement très social qui doit être couplé avec une nouvelle politique de lutte contre les exclusions. Trop de gens sont sortis de la route ces dernières années, il faut les accompagner pour qu’ils sortent de la détresse.

- Inciter les propriétaires de logements vacants à les louer. Pour cela, il faut leur donner des garanties, car beaucoup de petits propriétaires sans aisance financière subissent de lourds préjudices à cause des impayés de loyers. La garantie la plus déterminante est la caution. On ne voit pas comment ce service pourrait être confié aux collectivités locales, dépassées par l’absence de financement à la suite des lois de décentralisation, ou de l’Etat, si débordé qu’il n’arrive pas à mener l’élémentaire enquête sociale en cas d’impayés de loyers. Une piste est d’encourager le développement des agences immobilières à vocation sociale qui garantissent les impayés de loyer et la dégradation locative. Ces agences, d’origine associative, connaissent parfaitement les arcanes du logement français. Elles pourraient, avec l’action conjuguée d’une volonté politique déterminée, multiplier des accords avec les propriétaires afin de permettre à beaucoup de louer dans le parc privé et même, à terme, d’accéder à la propriété. En tout cas, cette question mériterait d’être discutée autour d’une table rassemblant tous les acteurs du logement si l’on est réellement partisan du dialogue social, surtout quand la situation est grave et que de nombreux Français en difficulté ont besoin d’un toit.

 

 

 

 

 

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P
Bonjour Monsieur le Député Maire<br /> <br /> 0 la lecture de votre article je ne doute pas que le courrier que je vous ai adressé le 28 janvier et qui a été repris par la presse locale, trouve, de votre part un intéret certain.<br /> Dès que vous trouverez le temps de convoquer un Conseil Municipal, n'oubliez pas de porter cette question à l'ordre du jour<br /> <br /> F Provost
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